Épithèse orbitaire gauche, rétention via des aimants depuis 1987
« À l’âge de 3 ans, on a découvert que j’avais un cancer, le rétinoblastome, et il a fallu enlever l’œil suivi d’une RT. Sous surveillance, c’est seulement 5 ans plus tard qu’on a considéré que j’étais guéri.
Mon enfance était normale, j’étais appareillé en Allemagne par une prothèse en verre qui était sur mesure dans la petite cavité formée par les paupières. C’était un peu visible. Vers l’adolescence, je voulais éviter de me faire dévisager.
J’ai alors porté des lunettes fumées pour cacher la différence entre les deux yeux. À l’âge de 21 ans, j’ai subi de la chirurgie reconstructrice pour agrandir la cavité orbitaire qui était restée plus petite que l’autre côté. J’ai eu des greffes osseuses prélevées de la hanche. Ils ont essayé de faire davantage de rétention des paupières mais la prothèse tenait de plus en plus mal à cause de la RT.
Monsieur Förster, l’oculariste allemand, m’a fait rencontrer Madame Gillian Duncan, une américaine épithésiste en Allemagne, qui m’a fait ma première épithèse collée en 1982. Je me suis senti normal et à l’aise, et mon visage était équilibré. J’avais même plus de copines que mes copains, j’essayais de ne pas montrer mes complexes.
En 1987, j’ai lu un article dans le journal et j’ai découvert que Madame Riedinger venait de s’installer à Strasbourg et c’est elle qui a réalisé les épithèses suivantes qui étaient toujours collées.
Suite aux rayons, j’avais moins de sensations à gauche, et je ne sentais pas si elle se décollait, et donc j’avais peur qu’elle tombe, surtout avec la transpiration en été.
Madame Riedinger m’a souvent parlé des implants mais je ne voulais rien savoir à cause des nombreuses opérations que j’avais déjà subies, même si je vivais toujours dans la crainte que mon épithèse ne se décolle. Pourtant en 2002, suite à une allergie à la colle, j’ai pris la décision de faire poser ces fameux implants à Strasbourg par le docteur Patrick Hémar. Avec ma nouvelle épithèse sur aimants, et ma vie a complètement changé. Plus besoin de faire attention au décollement à la piscine, ni quand je transpire au travail. Elle se positionne toute seule même sans miroir, c’est devenu facile, c’était finalement contraignant la colle. L’épithèse n’est jamais tombée, je vis normalement avec, je l’enlève la nuit pour que la peau respire et que la cavité soit propre. Je fais davantage d’efforts, sans soucis, travail, activités, jardinage comme tout le monde.
Un truc qui a changé : Madame Riedinger m’a conseillé de changer mes lunettes à verres fumés pour des verres ordinaires. Je pensais qu’on verrait moins l’épithèse avec des lunettes noires. Or c’est tout le contraire : c’est quand même bizarre d’avoir des lunettes de soleil en plein hiver. Avec mes lunettes normales, j’attire effectivement moins l’attention. Tout le monde fait des compliments sur le bon travail de la spécialiste. J’ai souvent donné l’adresse de mon épithésiste. J’étais membre de l’association allemande TULPE (https://tulpe.org), qui aide les patients à mieux vivre avec leur épithèse faciale. Quand je suis arrivé au congrés annuel, ils se demandaient pourquoi j’étais venu tellement mon épithèse était discrète. J’ai rencontré une dame qui portait aussi une épithèse orbitaire mais le travail n’était pas de la même qualité. Ça ne ressemblait pas à la couleur de la peau.
Ça fait plus de 35 ans que je porte mon épithèse et j’ai l’impression d’avoir toujours vécu avec. Je mène une vie normale comme tout le monde. Je suis marié depuis 20 ans. »